« J’ai construit ma maison au pays. »

C’est la phrase que j’entends le plus souvent dans la bouche des Africains installés en Occident. Elle sonne comme une promesse. Une façon de dire au pays : je ne t’ai pas oublié, je reviendrai. 

Sauf que… presque personne ne rentre vraiment. Même si on dit presque tous : 

  • Je ne me vois pas vieillir en maison de retraite ici. 
  • Je ne supporte plus le froid. 

Et pourtant, les années passent, et nous sommes toujours là. Moi-même, le premier. À force de bâtir notre vie ici, nous avons pris, sans nous en rendre compte, une série de décisions qui nous attachent au sol européen : travail, mariage, enfants, crédits, promesse de retraite, école, habitudes. 

Chaque décision semblait anodine. Ensemble, elles ont fini par tisser une toile difficile à quitter. En plus on n’avait pas de vrai plan à l’arrivée. Juste un rêve vague : Fuire « le continang » . C’est pour ça que je crois qu’avant de rêver du retour, il faut comprendre ce qui nous retient. 

Dans la communauté Campus Mbe, nous voulons aborder cette question autrement : réfléchir au retour comme un projet structuré, pas comme une nostalgie. Construire un modèle de vie en Occident qui laisse la porte du retour ouverte. 

Rejoins-nous. On va tester, ensemble, une expérience grandeur nature : comment rentrer sans tout perdre, et sans se perdre. Parce que rentrer, ce n’est pas un retour en arrière. C’est une continuité qu’il faut préparer.

En 2017, quand j’ai dit à ma mère que je voulais me marier,

la première question qu’elle m’a posée a été : 

 — Tu crois que tes enfants vont revenir au Cameroun ? 

J’ai mis du temps à répondre. Sa voix tremblait un peu au téléphone. J’ai compris que ce n’était pas une simple question, mais une peur qui parlait. Elle était inquiète. Pour elle, les enfants suivent toujours leur mère. Ma femme n’étant pas Camerounaise, c’était perdu d’avance. 

Je n’ai pas ri au téléphone, par respect — et parce que j’entendais l’inquiétude dans sa voix. J’ai essayé de la rassurer… puis je me suis marié. Mais la vérité, c’est que j’étais naïf. Pas à cause de l’origine de ma femme, mais parce que je ne mesurais pas encore les enjeux du mariage pour un Africain en Occident. 

Après les études, beaucoup d’entre nous se posent les mêmes questions : 

  • Faut-il épouser un(e) Européen(ne) pour mieux s’intégrer ? 
  • Faut-il aller chercher son partenaire “au pays” pour rester connecté ? 
  • Ou choisir quelqu’un de sa région, de son village ? 

Ce que je sais aujourd’hui, c’est que si tu choisis mal ta / ton partenaire, tu hypothèques déjà une grande partie de ta vie. 

C’est pour cela que, dans Campus Mbe, nous portons une attention particulière à la question du mariage à l’étranger. L’objectif : t’aider à te poser les bonnes questions avant de t’engager dans une aventure qui dépasse le simple amour.

Je ne savais pas que j’étais noir.

Pas parce que je l’ignorais, mais parce qu’au Cameroun, la question ne se posait tout simplement pas. Quand j’étais petit, je voyais les blancs à la télé, ou parfois dans la rue, au marché, une fois par mois peut-être. C’était rare, presque exotique, mais sans grande importance.

C’est une fois arrivé en Occident que j’ai découvert ma couleur — non pas dans le miroir, mais dans le regard des autres. Je me souviens encore d’un jour à la plage d’Odessa. Un petit garçon, à peu près de l’âge de mon fils Akil, s’est approché de moi, m’a pris la main, puis a regardé la sienne comme pour vérifier si ma peau pouvait déteindre. Il a ensuite couru vers sa mère, émerveillé. Moi, je suis resté là, mi-amusé, mi-troublé. 

Beaucoup de jeunes Africains vivent ce même moment sans s’y attendre. Avant de partir, ils ne se sont jamais vraiment posé la question de leur identité. Et un jour, brutalement, ils découvrent qu’ils sont “noirs”… parce que le monde le leur rappelle. 

Certains finissent par vouloir fuir ce miroir : ils évitent les leurs, changent d’accent, rejettent la nourriture du pays, disent qu’ils ne supportent plus la chaleur du Cameroun. Je crois qu’aller à l’étranger sans se connaître soi-même, c’est risquer un effacement programmé. 

C'est pour éviter ces chocs et traumatismes que dans la communauté Campus Mbe. Une attention particulière sera portée à l'identité. L'objectif étant d’apprendre à se connaître, à se situer, à s’affirmer. Pour ne pas laisser nos petits frères se perdre en se cherchant.

À partir du lycée, mon père me donnait l’argent à la semaine.

Il disait que c’était pour m’apprendre à gérer mon argent. En règle générale, ça se passait bien. Je réussissais à tenir sur la semaine, même si, de temps en temps, le mercredi, j’étais à sec. Parce qu’une petite m’avait gratté ou parce que j’avais fait la fête. 

Mais j’avais mon backup : ma mère, qui était toujours là au cas où.

Quand je travaillais en France comme veilleur de nuit, je gagnais 1 000 € nets par mois. Un beau budget que je gérais bien. Je m’étais même payé des vacances au Cameroun en 2015. En 2017, quand je suis devenu ingénieur à temps plein et que j’ai reçu mon premier salaire supérieur à 2 000 €, c’était la fête. C’était beaucoup. Je dépensais, ça ne finissait pas . J’ai très vite augmenté mon niveau de vie : appartement plus grand, nouvelle voiture, voyages par-ci, par-là. Très vite, j’ai compris que 2 000 € pouvaient être “petits”.

C’est comme ça que j’ai redécouvert le découvert… et les paiements en plusieurs fois. La vie m’a enseigné. Beaucoup de gars arrivent en Occident avec presque zéro notion de gestion de budget. Et même ceux qui savent gérer ne connaissent pas les pièges sophistiqués des organismes de crédit des pays occidentaux. 

Beaucoup se retrouvent piégés. C’est pourquoi, dans notre communauté Campus Mbe, on met un point d’honneur sur la gestion du budget. Parce qu’on sait que, quel que soit le montant de tes revenus, si tu ne sais pas gérer un budget… tu vas seulement lire l’heure.

Quand on laisse les enfants dans la nature sans leur transmettre une mission.

Ils avancent sans fil directeur guidés seulement par l'argent et "les opportunités". Moi j'ai fait un BAC G2, un an de prépa Telecom, un DUT Comptabilité-Finance, un master système d'information pour travailler au final en maintenance. Essaie de trouver la logique. 

En entretien d'embauche, je serais capable de raconter une histoire cohérente sur mon parcours universitaire mais la vérité est que j'ai avancé en mode aveugle jusqu’à la fin.

Il y'a quelques jours l'une de mes nièces m'a écrit : "Paa j'ai besoin de ton aide pour choisir ma formation". Son message était suivi d'une liste de spécialité pour la licence. Derrière son message ce que j’ai lu c'est : "mon tonton riche, je peux faire quelle formation pour gagner autant d'argent que toi ?". Dans tout ça 5 francs même je n'ai pas. 

Pour être plus sérieux, la question de l'orientation ne peut pas se résumer à une liste de spécialité à choisir. Idéalement il faudrait travailler dans un domaine qu’on aime. Malheureusement on ne peut pas vivre de ce qu’on aime et d’eau fraiche. Au-delà de cet idéal, je dirais qu'il faut choisir une formation qui oriente vers un travail dans lequel il y'a de la pénurie et qui rémunère bien. Parce qu'à la fin de la journée il faudra payer les factures. Et peut-être aider les parents qui n'ont pas de retraite. 

La limite de cet approche pragmatique est d'avoir une vie fade. Oui parce que l'argent ne résout pas tous les problèmes. Aujourd’hui, le vrai luxe, ce n’est pas de choisir une formation qui paie. C’est de trouver un métier qui parle à ton âme, et te permet quand même de payer les factures. Choisir une formation n’est pas une chose anodine. On doute, on hésite, on se demande si on fait le bon choix. 

C’est pour répondre à ce genre de questions que, dans la communauté Campus Mbe, une attention particulière sera portée à l’orientation. Pas pour vous dire quelle est la “meilleure” formation à faire. Mais pour vous donner des clés concrètes — afin de vivre dignement de votre travail, sans avoir une vie dénuée de sens.

Je ne sais pas ce que je serais sans toi.

Et dire que tu n’es là que depuis deux ans. 💛

Aujourd’hui, Kimia fête son anniversaire.

Pendant qu’on lui chantait le fameux « joyeux anniversaire », je l’ai regardée sourire…

Et j’ai réalisé à quel point son petit visage embellit mes journées.

C’est le genre d’enfant qui déborde d’énergie, et qui trouve toujours le moyen de te faire exploser de rire, même quand tu rentres cassé en deux.

Et là, une pensée m’a traversé l’esprit : on dit souvent que chaque enfant est différent…

Moi, je crois que chaque enfant vient avec sa qualité de bonheur. 

Et la qualité que Kimia m’apporte est « bobé ». Merci ma fille, de pimenter ma vie. Tu rends mes journées plus vraies, plus vivantes.

Joignez-vous à moi pour souhaiter un joyeux anniversaire à ma Kimia . 🎂💫

En écrivant ces lignes, je me suis dis que le bonheur n’est pas dans les grandes choses.

Il est dans ces petits visages, ces rires, ces présences qui nous réparent sans le savoir.

Si quelqu’un met de la lumière dans ta vie, dis-le-lui.

N’attends pas un anniversaire pour le faire. 

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(P.S. aujourd’hui, j’avais prévu de parler de santé. Mais ici, je parle surtout de ce qui me fait vibrer. Et Kimia en fait partie.)


« Papa, c’est ce que je voulais te dire ce matin… mais j’avais peur. »

Aujourd’hui, j’ai récupéré Akil et Melody à l’école pour déjeuner ensemble.

Le matin, j’avais pris soin de leur demander :

— « Vous avez une préférence pour le menu ? »

Réponse unanime :

— « Papa, on te laisse choisir. »


Sauf que… Papa a allumé son PC, et a complètement oublié de réfléchir au menu 🤦🏽‍♂️.


À midi, au moment de les récupérer à l’école je leur redonne une chance :

— « Les cocos, c’est votre dernier mot, vous choisissez quoi ? »

Encore la même réponse :

— « Papa, on te laisse choisir. »


N’ayant rien prévu, je sors mon joker :

— « Alors, exceptionnellement, on va au McDo ! »


Et là… explosion de joie dans la voiture. Comme si la Côte d’Ivoire venait de marquer en finale de Coupe d’Afrique 😅.


C’est à ce moment que Melody m’a lâché cette phrase :

— « Papa, c’est ce que je voulais te dire ce matin, mais j’avais peur. »


Je lui ai répondu en souriant :

— « Ma chérie, tu n’as jamais à avoir peur de me dire ce que tu veux. Dans le pire des cas, je te dis non. »


Mais sa phrase m’a marqué. J’ai réalisé que, peut-être, je lui avais déjà transmis cette idée que certains désirs sont interdits. Moi qui ai souvent présenté McDo comme « le diable », j’ai créé une hésitation dans son cœur d’enfant.


Alors je m’interroge :

👉 Pour transmettre de bonnes habitudes alimentaires, faut-il interdire totalement la junk food et les sucreries (au risque de créer un manque) ?

Ou bien exposer les enfants à tout, et espérer qu’ils deviennent sages d’eux-mêmes plus tard ?


Interdire crée le manque. Autoriser sans limites crée l’excès. Le vrai boulot de parent, c’est d’enseigner la mesure.


Raoul Mbe, 


Je suis arrivé en Italie avec 150 € en poche. Personne ne m’attendait à l’aéroport.

C’est mon ami Steve qui m’avait prêté une partie de l’argent quand je quittais l’Ukraine.
Notre vol avait atterri dans la nuit vers 23 h et une fois sorti de l’aéroport il n’y avait plus de bus pour me transporter jusqu’à la gare où je devais prendre le train pour la ville de Parme.

La seule option qui me restait était le taxi. Mais je ne pouvais pas m’amuser à le prendre vu mon budget.
Après quelques minutes de réflexion, j’ai repéré des personnes comme moi qui cherchaient un moyen de rejoindre la gare de Milano Centrale.
Je leur ai proposé de prendre un taxi ensemble et de se partager les frais. Une seule personne a accepté le deal. Un jeune étudiant égyptien.

Une fois à la gare de train, j’étais perdu. 
Entre l’achat du ticket et la recherche du quai, mon train pour Parme est parti sans moi.
C’était le dernier. 

J’étais donc résigné à dormir à la gare.

J’ai failli devenir arbitre juste pour payer mon loyer

Je n’aimais pas le football, mais j’ai failli devenir arbitre rien que pour payer mon loyer.

Fin 2013, je regarde mon compte bancaire et je prends conscience qu’il me faut une entrée d’argent supplémentaire.

J’étais en 2ème année de DUT à Grenoble et malgré les deux bourses que j’avais eues, mes prévisions budgétaires me disaient que je ne pouvais pas tenir jusqu’à la fin de l’année, et surtout la bourse n’était pas garantie l’année suivante.

Je fais un CV et je candidate à tous les jobs étudiants qui bougent : fast-food, hôtel, restaurant, supermarché, mairie.
Après l’envoi par mail et le dépôt physique de plus d’une vingtaine de CV sans succès, je décide de changer de stratégie. Je regarde du côté du sport.

En Europe, pour joindre les deux bouts, certains étudiants se transforment en arbitres dans les championnats locaux. Même si je n’aime pas le football, c’était accessible car c’est le seul sport dont je connaissais quelques règles. Je me suis donc lancé.

En fait, dans le département de l’Isère, pour être arbitre de football il fallait :

           - Avoir une licence avec une équipe du championnat

           - Avoir un diplôme du District de football de l’Isère

Chaque match était rémunéré d’une indemnité de 25 euros en plus des frais kilométriques allant de 20 à 40 euros par match en fonction de la distance. Le calcul était simple : arbitrer deux matchs par week-end et viser une indemnité de 40 euros minimum par match, et donc un revenu de 320 euros par mois. 

J’ai appelé le district le même jour pour savoir quels étaient les clubs à la recherche d’arbitres et, coup de chance, mon interlocuteur connaissait un coach à Saint-Martin-d’Hères qui recherchait un arbitre pour son club.
Quelques semaines plus tard, j’avais la licence du club et une inscription pour la formation d’arbitre. C’était un week-end ensoleillé dans un petit village de montagne de l’Isère.
En un week-end j’ai appris dans le détail toutes les règles du football. J’ai participé aux mises en situation et je suis rentré chez moi avec mon diplôme d’arbitre.

Il ne fallait plus qu’attendre le début de la saison pour faire deux stages avec des arbitres expérimentés et commencer à son tour à manger l’argent de l’arbitrage. Parce que pour dire vrai, ma seule motivation était l’argent. J’ai très peu d’intérêt pour le football.
Au final, je n’ai jamais mangé l’argent de l’arbitrage. En fait, en septembre 2014, j’ai dû changer de ville. J’ai quitté Grenoble pour Annecy. J’avais trouvé une bonne formation là-bas. Vous savez, pour le fameux diplôme.

Arrivé dans le monde de l’arbitrage par cupidité, j’y ai rencontré des personnes passionnées. Toutes ces personnes qui travaillaient comme bénévoles dans des associations de football dans tout le département. Ces personnes qui dédiaient une partie de leur vie à leur passion gratuitement.
J’en suis sorti avec des doutes sur la question de l’argent. J’y ai appris que le manque d’argent nous fait croire que seul l’argent doit guider nos choix. 

Mais peut-on donner le meilleur de soi quand on n’aime pas ?
En tout cas, aujourd’hui je peux dire que l’argent soulage, mais il n’inspire pas. Ce qui donne du sens, ce n’est pas ce qu’on gagne, mais ce qu’on apprend et ce qu’on construit en chemin.

On part pour réussir.

Mais… c’est quoi, réussir ? 

Et surtout, peut-on vraiment partir chercher quelque chose qu’on ne connaît pas ?

Je suis convaincu que l’une des principales raisons de la frustration de beaucoup de candidats à l’exil, c’est le manque de clarté. 

 Beaucoup partent avec une image floue : “réussir”, ça veut dire avoir des papiers, un bon salaire, ou une belle voiture, envoyer l’argent au pays, construire sa maison au village… C’est ça réussir ? 

 Mais très vite, ils découvrent que tout ça ne suffit pas à remplir le vide intérieur. Parce qu’à la fin, la vraie réussite, c’est peut-être simplement de se sentir aligné entre ce qu’on veut, ce qu’on fait, et ce qu’on est. 

 C’est pour cette raison que, dans notre communauté — Campus Mbe — nous mettons un point d’attention particulier sur la question de la réussite. Le but n’est pas de vous donner une définition toute faite. Mais de vous aider à explorer plusieurs chemins, à construire votre propre vision de la réussite, et à la faire évoluer au fil du temps… 

…sans jamais renier vos valeurs, vos racines, ni ce que vous êtes.