As tu déjà pensé à tout quitter pour rentrer chez toi ? Cette idée m’a obsédé pendant des années.
Selon une étude d’Intelcia, 71 % des membres de la diaspora africaine installée en France souhaitent rentrer en Afrique. Cependant, ce chiffre doit être pris avec précaution, car il s’agit d’un pourcentage basé sur un échantillon de seulement 800 personnes.
Si je fais une analyse rapide basée sur mon entourage, je dirais la même chose : un bon 70 %. Mais combien rentreront réellement ? Là, aucune donnée précise. Si je prends encore mon entourage comme référence, je dirais 5 %.
Beaucoup souhaite rentrer, mais en réalité, très peu passe à l’action, et parmi ceux qui rentrent, nombreux sont ceux qui ne restent pas définitivement.
On entend souvent cette phrase : « Les plus chanceux finiront fous a Mbeng » Même si je trouve cela un peu exagéré, il y a une part de vérité 😁. Vivre à “Mbeng” a ses avantages — moi, je “yamo” — mais la nostalgie de la nourriture, des paysages familiers, ou simplement du lien avec ses proches, peut peser lourd. On néglige beaucoup cet aspect psychologique mais c’est quelque chose de crucial.
En 2018, avec quelques proches, nous avons lancé le projet Avenue Kennedy. On était très enthousiastes à l’époque.
Avec du recul, c’était une véritable folie. Pas tant par rapport au projet lui-même, mais par les motivations profondes qui nous ont poussés à le faire.
On ne pose pas souvent la question sous cet angle, mais c’est essentiel, car cela permet de mettre en lumière des contradictions qu’on ne voit pas toujours au départ.
Qu’est-ce qui peut bien pousser trois personnes installées confortablement en France, avec des projets à long terme là-bas, à investir dans un tel projet pour le Cameroun ? L’argent, diront certains. C’est ce que je croyais aussi à l’époque 😁.
C’est vrai, beaucoup entreprennent au pays pour gagner de l’argent ou contribuer au développement. Mais, en réalité, deux raisons souvent sous-estimées restent déterminants :
- La volonté de vivre une deuxième vie dans le pays natal : On ne peut pas physiquement “back”, alors on investit pour garder un lien. On vit une partie de cette “deuxième vie” par procuration à travers le projet.
- La quête de sens : Pour certains, lancer un projet au pays est une étape vers un accomplissement personnel, un moyen de donner un sens profond à leur parcours. C’est un peu comme les Bamilékés qui construisent de grands châteaux au village.
Pour moi c’était la volonté de vivre ici et là-bas en même temps. Ce projet me permettait en quelque sorte de faire “l’appacheur” de téléphone à l’avenue Kennedy de Yaoundé à tout moment. En gros “ voyager sans décoller “ ou alors comment masquer une frustration en lançant un projet.
À mon avis, avant de s’engager dans un projet au pays, il faut d’abord se poser cette question essentielle : quelles sont les vraies motivations derrière ce projet ? Pas ce qu’on veut montrer, mais « la vraie vérité ».
Pour ma part, je qualifierais mon expérience avec Avenue Kennedy comme étant “douce et amère”. C’est un mélange de gratitude d’avoir vécu cette aventure et de désespoir face à mes propres contradictions au cours du projet (un jour, on racontera ça — on digère encore 😅).
Les gars, je sais que c’est dur, mais prenez le temps. Posez-vous les bonnes questions avant de vous lancer. Il ya tellement à dire. Les coachs qui pullulent partout sont là pour vous vendre des conseils, pas pour réfléchir à votre place. Prenez le temps de bien comprendre les motivations profondes avant de prendre une décision qui risque de vous donner un coup au moral et faire fondre une partie de votre épargne sur le chemin.
Faut-il rentrer ou trouver un équilibre?
Si ton objectif est de rentrer, prépare toi sérieusement et rentre. Sinon, trouve un équilibre sur place. Ne te laisse pas influencer par la nostalgie et les fanatiques qui prophétisent le pire pour les africains en occident, ouvre les yeux. Regarde autour de toi : il n’ y a pas que du bon mais c’est vivant et plein de belles personnes. Il peut avoir une place pour toi ici, et tu peux contribuer à construire un futur dans lequel toi et ta famille serez épanouis. En tout cas c’est ce que je me dis.
Le pire qui puisse arriver est la perte d’identité cet à dire être incapable de s’identifier pleinement ni au pays d’accueil, ni à celui d’origine.
Même si je fais partie des nostalgiques profonds, « Back n’est pas une fin à Soa. »
Pour moi le vrai défi ce n’est pas de choisir entre partir ou rester, mais de construire un équilibre qui reflète qui nous sommes devenus et de vivre pleinement.