Je ne savais pas que j’étais noir.

Pas parce que je l’ignorais, mais parce qu’au Cameroun, la question ne se posait tout simplement pas. Quand j’étais petit, je voyais les blancs à la télé, ou parfois dans la rue, au marché, une fois par mois peut-être. C’était rare, presque exotique, mais sans grande importance.

C’est une fois arrivé en Occident que j’ai découvert ma couleur — non pas dans le miroir, mais dans le regard des autres. Je me souviens encore d’un jour à la plage d’Odessa. Un petit garçon, à peu près de l’âge de mon fils Akil, s’est approché de moi, m’a pris la main, puis a regardé la sienne comme pour vérifier si ma peau pouvait déteindre. Il a ensuite couru vers sa mère, émerveillé. Moi, je suis resté là, mi-amusé, mi-troublé. 

Beaucoup de jeunes Africains vivent ce même moment sans s’y attendre. Avant de partir, ils ne se sont jamais vraiment posé la question de leur identité. Et un jour, brutalement, ils découvrent qu’ils sont “noirs”… parce que le monde le leur rappelle. 

Certains finissent par vouloir fuir ce miroir : ils évitent les leurs, changent d’accent, rejettent la nourriture du pays, disent qu’ils ne supportent plus la chaleur du Cameroun. Je crois qu’aller à l’étranger sans se connaître soi-même, c’est risquer un effacement programmé. 

C'est pour éviter ces chocs et traumatismes que dans la communauté Campus Mbe. Une attention particulière sera portée à l'identité. L'objectif étant d’apprendre à se connaître, à se situer, à s’affirmer. Pour ne pas laisser nos petits frères se perdre en se cherchant.