Au Cameroun, la prière de beaucoup de parents quand ils accompagnent leur enfant à l’aéroport, c’est souvent qu’il traverse le poste de douane.

En gros, qu’il arrive quoi.

Comme si le seul fait d’entrer sur le territoire européen était déjà une réussite. Pourtant, cette étape n’est rien devant le véritable challenge que représente l’exil.

Moi, j’ai quitté le Cameroun en novembre 2011. À peine arrivé, je devais commencer l’université.

J’étais enthousiaste. Le premier jour de classe, il faisait -12 degrés à l’extérieur. C’était mon premier hiver, mais à 5h du matin j’étais déjà réveillé… pour un cours qui commençait à 14h.

Hier soir, sur un statut WhatsApp, je suis tombé sur la photo d’une dizaine d’étudiants camerounais valises flambant neuves, sourire accroché au visage et poster de mbenguiste qui venaient à peine d’arriver à l’aéroport de Bruxelles pour poursuivre leurs études.

C’est sûrement l’accomplissement d’un rêve.

Certains ont probablement jeûné pour la demande de visa. C’était peut-être leur premier vol en avion. Leur première fois d’arriver dans un endroit aussi beau et propre.

Je les ai regardés et j’ai souri : j’ai vu mon propre visage d’il y a 13 ans 

Mais je sais aussi ce qui les attend. Ils doivent être surexcités. Mais comme souvent, quelques semaines plus tard, viennent les difficultés du quotidien, les doutes et le mal du pays.

Chaque année, c’est la même chose. on envoie nos jeunes à l’autre bout du monde comme on envoie un colis : sans la moindre préparation. Comme si on les vendait. 

Beaucoup n’ont jamais passé une nuit seuls au Cameroun, mais on les expédie en Europe avec un simple visa et des valises pleines de rêves. Comme si c’était facile. Pourtant, chaque année, on entend parler de la détresse de ces jeunes.

En voyant cette photo, une question m’a frappé :

  • Est-ce que ces jeunes savent seulement où ils sont arrivés ?
  • Qu’aurais-je voulu savoir, moi, à vingt ans, avant de poser le pied ici ?

Je ne parle pas de comment trouver un job ou remplir un formulaire : Google et YouTube débordent déjà de tutos pour ça.

Mais les choses invisibles : L’histoire, la culture et les codes qu’on croit secondaires mais qui décident en réalité de tout. Comprendre pourquoi il faut tenir un budget et comment.  Pourquoi les relations se construisent différemment.

L’immigration telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui est une forme moderne de sacrifice des jeunes Africains. Le système et les familles complices créent une grande vulnérabilité. La seule arme, c’est la transmission des codes invisibles.

Alors j’ai pris une décision : écrire.

L’idée est d’écrire à la personne que j’étais il y a 13 ans, quand j’ai quitté le Cameroun. Écrire à ceux qui arrivent aujourd’hui, le cœur battant, persuadés que le plus dur est derrière eux. 

Dire à ces jeunes ce que les jeunes Européens savent, mais qu’eux ignorent. Pas pour qu’ils deviennent des “petits blancs”, Mais pour qu’ils comprennent le comment et le pourquoi des choses.

Parce que personne ne devrait arriver en Europe en tâtonnant comme nous l’avons fait.

Si tu penses que ce texte peut aider quelqu’un que tu connais, partage le. Plus il y aura des personnes intéressés, plus j’aurai la force de transformer cette idée en un vrai guide.